Après le burn-out ou syndrome d’épuisement professionnel, voici le bore-out qui serait lui un syndrome d’épuisement professionnel résultant de »l’ennui au travail ».
Serait-ce là une nouvelle pathologie ?
Ou encore une nouvelle injonction faite à l’entreprise : le salarié ne doit pas »s’ennuyer ».
Pourra-t’on demain poursuive son employeur aux prud’hommes pour ennui au travail ?
La simple formulation de ce »syndrome » doit en tout cas nous interroger sur les mutations du travail et plus largement sur la place du travail dans la société.
Commençons par examiner l’objet lui-même. A ce jour, le bore-out ne correspond à aucune affection officiellement recensée : il n’est ni au programme du Conseil d’Orientation sur les Conditions de Travail, ni présent dans les documents du plan santé au travail. C’est donc pour l’heure plus un phénomène médiatique qu’une pathologie avérée (1).
Mais soyons prudent. Si la scientificité du syndrome n’est pas à ce jour avérée, il est a minima un symptôme social, une bannière sous laquelle se retrouvent des individus pour lesquels la souffrance au travail est objectivable, même si ces souffrances ne constituent pas une catégorie homogène.
Observons tout d’abord deux catégories effectivement liées au travail et à l’organisation du travail, donc de la responsabilité de l’entreprise ou de l’administration :
- Il y a d’abord la catégorie des tensions interpersonnelles dans lesquelles une »victime » se trouve isolée, hors des circuits, du fait des comportements de groupe. Ce peuvent être de vraies situations de harcèlement, avec les différentes formes de »placardisassion ». Ce peut être la pression générale à la performance qui conduit des groupes à isoler des personnes parce qu’elles ne sont pas assez productives, ou qu’elles ne parviennent pas à s’intégrer au sein des collectifs.
- Il y a ensuite toutes les personnes qui finissent par se sentir isolées ou non reconnues du fait de la »procéduralisation » toujours plus forte du travail (normes, reporting…).
Mais il y a aussi des formes plus individuelles, dont la responsabilité relève autant de l’individu et de ses choix personnels que de l’organisme employeur et de son organisation ou de ses pratiques managériales :
- Il y a par exemple ce que je qualifie de lassitude au travail, ce sentiment d’avoir fait le tour de son poste, de ne plus rien avoir à prouver…
- Il y a aussi l’épuisement par l’engagement dans lequel une personnes peine à concilier les injonctions d’engagement de la société : être un salarié motivé, un parent présent, un citoyen ou un bénévole engagé… Le tout parfois amplifié par le choix (si cela en est un) d’un lieu de résidence éloigné de son travail…
- Il y a encore l’emploi alimentaire, dans lequel on ne se reconnaît pas, qui ne fait pas sens pour nous…
Liste non limitative bien sûr…
Dans ces dernières formes, on peut voir émerger de nouvelles formes de souffrance qui, si elles se manifestent au travail ne s’y réduisent pas non plus. Pour ces formes, la réponse ne peut pas être uniquement dans l’entreprise ; elle relève pour partie d’évolutions sociétales et pour partie de responsabilisation individuelle.
La société doit permettre de penser l’activité de façon plus large que le travail au sens salarié, et permettre à l’individu d’avoir des choix »sécurisés » économiquement. On voit d’ailleurs dans la campagne électorale en cours des esquisses de ce que pourraient être ces options. C’est le cas, dans le débat porté par Benoît Hamon, autour du revenu universel qui dissocie, de fait, revenus et travail. C’est aussi le cas des propositions d’Emmanuel Macron dans ses propositions de permettre aux salariés de bénéficier d’allocation chômage après une démission (2).
L’individu ne peut être absent de ces réponses. Si les évolutions sociétales lui permettent de faire des choix, il faut encore que ce dernier soit capable de prendre ses responsabilités sans attendre toujours que la réponse vienne de son employeur ou de l’état. Cela nécessitera sans doute un temps d’adaptation et des mesures d’accompagnement.
Si l’entreprise ne peut être tenue intégralement responsable des conséquences de ces cas de souffrance au travail élargis, elle ne peut s’en affranchir totalement. Elle peut se mettre en position d’accompagnement des personnes dans leurs choix. D’une certaine façon, la loi relative à la formation professionnelle du 5 mars 2014, en instituant l’entretien professionnel, consacre ce devoir. Elle peut le faire de façon volontariste ; elle doit le faire légalement ; elle a aussi intérêt à le faire de façon très égoïste, pour maîtriser la rotation de son personnel et le renouvellement des compétences et maintenir la mobilisation de ses salariés en son sein. Les entreprises ont appris à recruter, plus récemment à gérer les mobilités internes ; il s’agit maintenant d’apprendre à décruter, c’est-à-dire à accompagner au départ les collaborateurs qui ne trouvent plus leur place dans l’entreprise.
Nous y reviendrons prochainement.
Denis CHAUMAT
Consultant
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(1) Voir l’article »Bore-Out… pas besoin d’en faire une maladie » d’Elsa SABADO dans »Liaisons Sociales Magazine » n° 179 de février 2017
(2) et d’ouvrir ces mêmes allocations aux chefs d’entreprises, commerçants ou artisans