J’ai évoqué dans « RIFSEEP, vous avez dit RIFSEEP ? », la proximité entre l’approche du RIFSEEP et celle du système de classification de certaines conventions collectives basé sur des critères classants.
Voici l’exemple de la convention collective des personnels non enseignants de l’enseignement catholique, à l’élaboration de laquelle j’ai participé avec le cabinet Orizon en 2008.
On verra qu’elle comporte un certain nombre de points de comparaisons intéressants pouvant servir d’inspiration pour construire votre système RIFSEEP.
Vous trouverez en fin de document un lien pour télécharger la grille de classification élaborée pour les partenaires sociaux.
Principe de la classification à partir des critères classants
Initialement, les conventions collectives de l’enseignement catholique étaient classiquement construites sur la base « d’emplois types » : surveillant, cuisinier, secrétaire, comptable, ASEM (ATSEM de l’enseignement catholique), agent d’entretien…
A chaque emploi type correspondait une classification minimale (en nombre de points). Cette classification permettait de déterminer le salaire de la personne (pour les conventions collectives, il ne s’agit pas de déterminer une prime, mais le salaire dans sa globalité).
Cette classification, simple à faire, pose néanmoins quelques problèmes :
- tout d’abord, toutes les personnes relevant d’un même « emploi type » n’ont pas nécessairement les mêmes « responsabilités » (par exemple : à formation identique, un comptable intégré dans une équipe de comptables avec un chef comptable à sa tête a moins de responsabilités qu’un comptable unique dans un établissement dans lequel personne d’autre n’a de compétences comptables…) ou ne mettent pas en œuvre la même « technicité » au sein de leur établissement…
- ensuite, que faire quand une personne est affectée à un poste qui n’est rattaché à aucun « emploi type » de la convention collective (c’est massivement le cas pour les postes liés à l’informatique, par exemple), en attendant que les partenaires sociaux ne négocient à son sujet ?
- enfin, comment classer une personne dont le poste se rattache à plusieurs « emplois types », dont la classification est différente (exemple : un poste comprenant des fonctions d’ASEM et des fonctions d’agent de service en cuisine ou d’animateur périscolaire…).
Pour résoudre cette difficulté, l’idée est de trouver un certains nombre de critères qui sont transverses aux différentes fonctions et qui permettent de peser les postes indépendamment de leur contenu.
Les partenaires sociaux ont retenu 5 critères (1) :
- Technicité
- Responsabilité
- Autonomie
- Communication
- Management
L’idée est que chacun de ces critères fonctionne comme un curseur indépendant pour peser le poste. La somme de la cote de chacun des critères donnant des points qui, additionnés, permettent d’avoir la classification de la personne, et donc sa rémunération.
L’idée est intéressante mais difficile à mettre en œuvre : comment construire une échelle de technicité permettant de décrire toutes les situations, de la personne sans qualification au directeur général ?
Pour résoudre cette difficulté, il a été décidé de subdiviser les postes en 4 strates.
Ces strates peuvent fortement s’apparenter aux groupes de fonctions du RIFSEEP.
Répartition des postes en 4 strates
Les 4 strates ont été définies comme suit :
- Strate I (la plus basse) :
- Exécution de tâches ou d’opérations simples répondant à un mode opératoire fourni au salarié.
- Fait ce qu’on lui demande, comme on le lui demande.
- La fonction n’exige pas de niveau préalable (Pas de Titre ou Titres de niveau V ou de niveau IV).
- Strate II :
- Exécution d’activités complètes et déterminées nécessitant de mettre en œuvre des savoir-faire ou des savoir-agir préalablement acquis.
- Sait comment faire ce qu’on lui demande de faire.
- La fonction exige une qualification minimale (Titres de niveau V ou IV) et/ ou une expérience validée dans une fonction similaire.
- Strate III :
- Réalisation d’activités complexes impliquant de combiner ou de transposer des savoirs, des savoir-faire, des savoir-agir pour répondre avec pertinence à une situation.
- Sait définir ce qu’il faut faire en fonction d’un objectif général ou d’une situation et sait le mettre en œuvre.
- La fonction exige un niveau de formation (Niveau III/ Niveau II) et/ou une expérience professionnelle.
- Strate IV (la plus haute) :
- Fonction stratégique et de mise en œuvre stratégique, impliquant, dans le cadre des délégations reçues, la capacité à se saisir d’enjeux, et à construire – sur la base de ces enjeux, des contraintes et des moyens disponibles- les lignes générales d’actions opérationnelles.
- La fonction exige un niveau de formation (Niveau II/ Niveau I) et/ou une expérience professionnelle.
Comme on le voit, chacune des strates est définie par un descriptif de l’attendu et par un renvoi indicatif à un niveau d’étude.
Ces définitions de strates ne sont pas nécessairement directement transposables pour décrire un groupe de fonctions, mais elles peuvent servir d’inspiration.
Un référentiel de fonctions pour objectiver la classification des postes dans les strates
Entre 2006 et 2008, pour les besoin d’une étude sur les pratiques RH dans les établissements de l’enseignement catholique, j’ai construit un « référentiel de fonctions » (2) permettant une approche systémique de leurs organisations (3). Ce document, conçu comme un outil de travail (ce n’était pas une commande de la branche), a été livré aux partenaires sociaux en fin de mission.
Lors du travail sur les classifications, ces derniers ont souhaité en faire un outil d’aide à la classification en affectant à chacune des fonctions une strate.
Pour classer une personne :
- on décrit son poste à l’aide des fonctions du référentiel,
- on affecte la personne à la strate indiquée par ces fonctions.
Si une personne a un poste comprenant des fonctions de strates différentes, la strate de rattachement est celle de la fonction ou de l’ensemble de fonctions (de même strate) majoritaires en temps de travail sur l’année ou, en cas d’égalité, sur la plus favorable.
Dans le cas où la fonction n’existe pas dans le référentiel, les définitions des strates permettent d’assurer le classement.
Exemples de fonctions pouvant être affectées à une ASEM (équivalent d’une ATSEM dans la FPT) :
- Fonction 15 : Animation d’activité pour un groupe en autonomie (pour le périscolaire par exemple, c’est à dire sans la responsabilité d’un enseignant) : classée strate II
- Fonction 03 : Auxiliaire pédagogique (animation d’un groupe en classe sous la responsabilité de l’enseignant) : classée strate II
- Fonction 04 : Services auprès d’un enseignant (soins corporels des enfants, préparation d’activités, rangement et nettoyage du matériel pédagogique…) : classée strate I
- Fonction 53 : Ménage et entretien des locaux : classée strate I
- Fonction 56 : Service en restauration : classée strate I
En fonction des établissements, les ASEM sont davantage des personnels de service, ce qui les classe en strate I, ou des auxiliaires pédagogiques (pendant les heures de classe) ou des animateurs (en périscolaire), ce qui les classe en strate II.
On voit ici que si l’on a des descriptions de contenus de postes suffisamment génériques et transverses, elles sont utilisables pour objectiver le classement des postes dans les différents groupes de fonctions du RIFSEEP.
Cotation des postes au sein d’une strate
Une fois le poste affecté à une strate, une grille définit, pour chaque critère classant au sein de chaque strate, 3 degrés.
Par exemple :
Dans cet extrait :
- la colonne »description générale » reprend la définition de la strate définie précédemment.
- pour chacun des critères classants (ici technicité et responsabilité) :
- la première colonne définit le critère classant dans la strate considérée (ici la strate II).
- la seconde définit chacun des 3 degrés.
A l’aide de ces définitions, on attribue a chacun des collaborateurs un nombre de degrés (1, 2 ou 3) pour chacun des critères classants.
On additionne ensuite les degrés : un collaborateur de la strate II classé degré 2 en technicité, degré 2 en responsabilité, degré 2 en autonomie, degré 1 en communication et degré 1 en management, dispose de : 2+2+2+1+1 = 8 degrés
Classification
La classification s’effectue en convertissant en points ces différents éléments :
- un nombre de points est attribué à chacune des strates,
- dans chacune des strates, une valeur en points est attribuée à chaque degré.
Dans l’exemple précédent, le nombre de points du collaborateur est calculé comme suit :
Classification = Valeur en points de la strate II + (8 degrés x valeur d’un degré en strate II)
Le salaires résulte ensuite de la multiplication du nombre de points par la valeur du point.
Notons une particularité intéressante du système : les fourchettes de points des différentes strates se chevauchent de telle sorte qu’une personne qui a le maximum de degrés dans une strate a un salaire plus important que celle qui a le nombre de degrés minimum de la strate immédiatement supérieure.
Pour conclure
On peut observer, dans cet exemple, suffisamment de points communs avec la construction du RIFSEEP pour que cela puisse être une source d’inspiration, même si le système n’est pas directement transposable.
Denis CHAUMAT
Fondateur du cabinet ORIZON
Pour télécharger la grille de classification complète : 80926 Critères classants – Tableau validé CPN 18 09 08 JL 1
(1) Les partenaires sociaux ont bien entendu défini chacun de ces critères.
(2) Aujourd’hui, j’utilise plutôt le terme « d’activités-responsabilités ».
(3) L’idée étant d’identifier des « fonctions » permettant de décrire en une courte liste le contenu du poste de tous les personnels non enseignants, indépendamment de l’intitulé de ce poste. En effet, mes investigations m’ont conduit à constater que si tous les établissements utilisent des intitulés de postes voisins, le contenu effectif de ces postes varie considérablement d’un établissement à l’autre.